Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet (N°16 - 25 août)
Dans cette newsletter, une discussion sur un lien entre origine ethnique et COVID-19, le diabète qui apparaît comme un facteur de risque majeur, une nouvelle mutation qui rend le virus un peu plus sympa, des évaluations qui autorisent l’utilisation de masques périmés et le remdesivir qui risque de rejoindre l’hydroxychloroquine. Deux brèves de comptoir sur les tests salivaires et la sérothérapie complètent cette lettre.
Depuis le 12 mars, le Pr Frédéric Adnet - professeur agrégé de Médecine d'Urgence, chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93 - fait régulièrement le point sur le Covid-19.
Après 46 numéros d'une FAQ quotidienne, il propose désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation.
INDEX et liste des FAQ / Newsletters
NEWSLETTER N°16 ( 25 août)
ÉPIDÉMIOLOGIE
Origine ethnique comme facteur de risque : mythe ou réalité ?
Sujet délicat ! De multiples études observationnelles et retours d’expériences semblent faire un lien entre une origine ethnique, en particulier l’origine noire-africaine, et une surreprésentation des formes graves et de la mortalité de la COVID-19.
Il est très difficile de faire la part des choses avec d’autres facteurs de risque comme l’obésité, les maladies chroniques qui sont aussi surreprésentées dans ces minorités ethniques. La littérature est très contradictoire. Dans une cette étude descriptive américaine, les auteurs ont tenté de répondre à cette question un peu sensible (JAMA, 18 août 2020).
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Ils ont rassemblé une cohorte de 11.210 patients adultes hospitalisés pour COVID-19 dans 12 États et 92 hôpitaux.
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Le critère principal était la mortalité hospitalière et les patients étaient divisés en «Noirs» (N=4180), «Blancs» (N=4606) et «Autres» (N=2424) (les américains n’ont jamais été très fins !).
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Comme on pouvait s’en douter le groupe «Noirs» n’était pas comparable au groupe «Blancs» en ce qui concerne des paramètres importants comme la proportion de femmes, la catégorie sociale, l’âge, et les comorbidités.
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Sans ajustements statistiques la mortalité du groupe «Noirs» était de 19%, pour le groupe «Blancs» de 23% et «Autres» de 7,5%.
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Après ajustements sur les principaux paramètres (c’est à dire qu’on élimine statistiquement l’influence des différences observées entre les groupes), il n’y avait pas de différence de mortalité entre les trois origines ethniques.
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Par contre, on retrouvait les facteurs de risques classiques de la mortalité du COVID-19 : âge, maladie chronique, statut social défavorisé et sexe masculin.
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Il semble donc que les différences observées dans les autres études concernant l’origine ethnique soient plus en lien avec des facteurs confondants.
À suivre…
Le diabète est bien un facteur de risque !
On connaît les facteurs de risques de la forme grave de la COVID-19 : âge supérieur à 65 ans, obésité, maladies chroniques… Parmi ceux-ci, un groupe de chercheurs anglais a voulu déterminer si les diabètes de type 1 ou 2 étaient réellement des facteurs de risques importants pour développer la forme grave (Lancet Diabetes Endocrinol, 13 août 2020).
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Ils ont effectué l’analyse de 264.390 patients anglais diabétiques de type 1 et 2.874.020 patients avec un diabète de type 2.
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Ils ont constaté qu’un tiers des 23.698 décès dus à la COVID-19 survenaient chez des diabétiques.
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En calculant l’incidence de la mortalité du au COVID-19 pour 100.000 patients pour les différents groupes (27/100.000 morts chez les non-diabétiques, 138/100.000 pour le diabète de type 1, 260/100.000 pour le diabète de type 2) et en ajustant sur des variables confondantes, ils ont trouvé que la surmortalité chez les diabétiques de type 1 était plus de trois fois supérieure (aOR= 3,51 ; IC95%[3,16-3,90]), et plus du double pour le type 2 (aOR=2,03 ; IC95%[1,97-2,09]).
Efficacité des masques
Éternelle question !
Une étude américaine a testé plusieurs types de masques et des alternatives lorsque les masques homologués «officiels» n’étaient pas disponibles (JAMA Internal Medicine , 11 août).
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Le test a évalué le coefficient de filtration de particules variant de 0,2 à 3 µm pour 29 masques.
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Des masques non homologués, homologués et périmés (2009 et 2011) ou reconditionnés après stérilisation (étuve, peroxyde d’oxygène, oxyde d’éthylène) ont aussi été testés.
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Conclusion de l’étude :
- les masques FFP2 sont les plus efficaces (> 95% de filtration), les masques chirurgicaux un peu moins.
- Les masques homologués et périmés ou réutilisés après stérilisation ne perdent pratiquement pas leurs capacités à une filtration efficace.
- Par contre, les masques de substitution non homologués (souvent importés de Chine) ont des caractéristiques de filtration très détériorées (entre 53% et 79%).
Conclusion : plutôt que d’acheter des masques neufs d’origine suspecte, il vaut mieux utiliser des masques homologués et périmés ou re-stérilisés.
Les tests salivaires : les américains first !
La Food and Drug Administration (FDA) vient de délivrer son autorisation pour un cinquième test salivaire de détection rapide du SARS-CoV-2 (Communiqué de presse FDA du 15 Août 2020).
En France on continue les PCR nasopharyngés pas très agréables….
RECHERCHE
Une mutation qui rendrait le virus plus gentil ?
Nou savons que le SARS-CoV-2 mute peu et que les mutations observées concernent des petites structures sans affecter les structures cibles des candidats vaccins contre ce virus. Nous avons vu dans la newsletter numéro 9 qu’il existe une mutation qui est devenue majoritaire pour ce virus : le variant D614G. Cette mutation a rendu le virus plus contaminant (plus transmissible) mais la virulence (la dangerosité) était inchangée dans les premières observations.
Une équipe de Singapour s’est intéressée à une autre mutation qui était caractérisée par la délétion du nucléotide 382 : le variant ∆382 (Lancet, 18 août 2020). Cette mutation affecterait la régulation de la réplication virale par une atteinte du complexe ORF8. Ce variant ∆382 (ou ses équivalents) ont été mis en évidence à Singapour, à Taiwan, en Chine, au Bangladesh, en Australie et… en Espagne.
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Les auteurs, dans un travail observationnel et rétrospectif, ont comparé les caractéristiques de la maladie COVID-19 entre les patients infectés par le variant ∆382 seul (N=29), les patients «mixtes» (∆382 et forme non mutée) (N=10) et les patients infectés par le virus «non muté» (N=92).
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Les résultats ont montré que ce ∆382 était associé à une maladie moins sévère en terme d’hypoxie (0% vs. 28%), d’admission en réanimation (0% vs. 16%) et de recours à la ventilation mécanique (0% vs. 11%).
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La mortalité était de 0% comparée à 2% pour le groupe non muté (différence non significative).
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La présence du ∆382 était retrouvée comme un facteur indépendant (et significatif) associée au non-recours à l’oxygène.
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D’un point de vue biologique, le groupe de patients ∆382 se caractérisait par une plus faible concentration des marqueurs de la réponse inflammatoire (cytokines, chimiokines) et donc par un orage cytokinique amoindri.
Qu’en penser ?
Cette étude fait le lien entre virulence et mutation mais il ne faut pas oublier que cela peut aller dans les deux sens : acquisition d’une plus grande virulence par exemple. Ce travail, avec des effectifs très faibles et sa nature rétrospective, ne permet pas de généraliser cette hypothèse même si, actuellement, certains en parlent beaucoup pour tenter d’expliquer la discordance entre les marqueurs de gravité (mortalité, passages en réanimation) et les marqueurs de la circulation du virus (taux de PCR+ quotidien) en France…
TRAITEMENT
Remdesivir : bof !
On se souvient du remdesivir, molécule antivirale contre Ebola et qui a montré une efficacité sur la cinétique de l’amélioration des patients COVID-19 graves mais pas d’amélioration significative sur la mortalité. Malgré la fragilité du rationnel, cette molécule a eu l’autorisation de mise sur le marché aux États-Unis. Ce n’est pas cette nouvelle étude qui va nous réconforter (JAMA, 21 août 2020)!
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Cet essai prospectif, randomisé contre placebo et ouvert a comparé trois groupes : le premier traité par remdesivir pendant 5 jours (N=199), le deuxième avec un traitement de 10 jours (N=197) et enfin le groupe contrôle avec le placebo (N=200).
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Les patients étaient COVID-19 avec une pneumopathie mais sans critère de réanimation (SpO2 > 94%).
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Le critère de jugement était le score clinique en 7 points (1= mort ; 7= sortant de l’hôpital guéri) jugé à J11.
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Les résultats montrèrent une très modeste amélioration du score clinique non significative pour le traitement par remdesivir pendant 10 jours et significative pour le groupe traité pendant 5 jours.
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Les auteurs eux-mêmes concluent que les améliorations observées n’ont pas réellement d’importance clinique.
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La mortalité (faible, inférieure à 2%) n’était pas significativement différente dans les trois groupes.
Une étude à haut niveau de preuve qui montre que si cette molécule possède une activité, elle paraît vraiment très faible.
Sérothérapie : un espoir ?
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L’administration de plasma de patients guéris du COVID-19 aux malades en réanimation a suscité beaucoup d’espoirs.
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Le but était de faire bénéficier aux patients graves des anticorps contenus dans le plasma des patients convalescents.
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Les essais cliniques n’ont pas été convaincants quant à l’efficacité de cette approche.
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Il y aurait un bénéfice modeste pour une administration avant le troisième jour dans une étude observationnelle.
La Food and Drug Administration (FDA) vient d’autoriser son administration en thérapeutique d’urgence en attendant la publication de résultats plus probants (New York Times, 19 août 2020).
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