Covid-19 : à chaque jour ses réponses, par le Pr Adnet (FAQ N°44 - 11 mai)
Hydroxychloroquine en préventif ou traitement, pas d'effet chez les macaques. Sinon, un bel essai sur la trithérapie interferon beta-1b + lopinavir/ritonavir + ribavirine, des corticoïdes pas efficaces (au mieux), et une étude française rétrospective sur le tocilizumab. Merci au Pr Adnet pour cette FAQ Covid-19 du 11 mai !
Depuis le 12 mars, le Pr Frédéric Adnet - professeur agrégé de Médecine d'Urgence, chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93 - fait régulièrement le point sur le Covid-19.
Épidémiologie, études, clinique... Nous reproduisons ici, avec son aimable autorisation, les actualisations de cette «Foire aux questions».
INDEX et liste des FAQ
FAQ N°44 (11 mai)
-
Monde : 77.800 nouveaux cas hier. 4.103.241 cas confirmés (décès 282.872, guérisons 1.418.017) dans 187 régions ou pays.
-
France :
312 nouveaux cas hier. 177.094 cas confirmés avec 26.383 décès et 56.327 guérisons
[il y a toujours un problème de comptage par ce site officiel pour la France].
-
Italie : 802 nouveaux cas hier. 219.070 cas confirmés, 30.560 décès et 105.186 guérisons.
(Source : Johns Hopkins University)
COVID et hydroxychloroquine
On a vu que les macaques constituaient le modèle animal pour les infections à coronavirus et en particulier pour le SARS-CoV-2 (FAQ N°27 et 33).
- Dans cet essai chez l’animal, les chercheurs ont voulu savoir si l’injection d’hydroxychloroquine associée ou non à l’azithromycine et à différentes concentrations pouvait prévenir ou traiter une infection par SARS-CoV-2 chez le macaque (Nature Research, en cours de reviewing, 8 mai 2020).
- Les chercheurs ont injecté les médicaments chez des macaques selon trois séries de protocoles : juste avant l’infection, juste après l’infection et après le pic viral du SARS-CoV-2.
- Ils ont ensuite comparé les résultats à des singes infectés recevant le placebo (N=8).
- Les résultats sont sans appel : aucun effet préventif ou sur le développement de la maladie : même cinétique de la charge virale, même signes cliniques, même pneumopathie au scanner quelles que soient la combinaison, la concentration ou le moment d’administration des médicaments.
- Les auteurs concluent que l’hydroxychloroquine associée ou non à l’azithromycine ne devrait pas être administrée au cours de la maladie Covid-19 et encore moins en prévention.
(Pr Raoult pas content du tout et ce d’autant plus qu’il y a deux auteurs dont l’affiliation est le célébrissime IHU Méditerranée de Marseille…).
[Merci au Dr. Axel Ellrodt]
COVID et trithérapie
Un article du Lancet donne les résultats encourageants d’une trithérapie comprenant l’interferon beta-1b, le lopinavir/ritonavir et la ribavirine comparés à un groupe recevant seulement le lopinavir/ritonavir (groupe contrôle) chez des patients Covid-19+ hospitalisés (Lancet, 8 mai 2020).
- C’était un essai randomisé, ouvert, multicentrique, avec 86 patients dans le groupe expérimental et 41 dans le groupe contrôle.
- Le critère de jugement était le temps mis pour que la charge virale devienne nulle par prélèvements nasopharyngés.
- Les patients du groupe traité ont diminué significativement le temps pour retrouver une charge virale nulle (médiane 7 jours [5 ;11]) comparé au groupe contrôle (médiane 12 jours [8 ;15]).
- Pas de décès dans les deux groupes.
- Pas de différence pour les effets secondaires.
- La durée d’hospitalisation était plus faible pour le groupe traité ainsi que les marqueurs de l’orage cytokinique (IL6).
- Pas de différence pour le recours à la ventilation ni pour les besoin d’oxygène.
Bel essai bien conduit avec un niveau de preuve élevé. Pourtant, on reste un peu sur sa faim, car le critère d’évaluation n’est pas un critère clinique fort comme la mortalité ou la nécessité de recourir à l’intubation.
Il faudrait une vraie démonstration que cette différence de cinétique de la charge virale observée induise une vraie différence de morbi-mortalité au cours du Covid-19.
COVID-19 et corticoïdes
- Une méta-analyse et une revue systématique ont été publiées sur l’effet des corticoïdes dans le traitement des malades graves dues au coronavirus : SARS-CoV (SRAS), MERS-CoV (MERS) et SARS-CoV-2 (COVID-19).
- 11 articles ont été inclus (Leukemia, 5 mai 2020).
- Résultats :
- Les corticoïdes sont associés à un retard à l’élimination du virus (négativation de la charge virale) d’environ 3,78 jours IC95% [1,16 ;6,41].
- Pas d’effet sur la mortalité.
- La durée d’hospitalisation et le recours à la ventilation mécanique semblaient plus importants pour les patients «bénéficiant» de ce traitement.
COVID-19 et tocilizumab
On a vu une annonce (un peu catastrophique) de l’AP-HP sur des résultats encourageants mais non confirmés de cette molécule dans le traitement des Covid-19 graves (FAQ N°35). Une revue française va publier un étude rétrospective cas-contrôles (Médecine et Maladies Infectieuses, 4 mai 2020).
- 20 patients sous tocilizumab ont été comparés à 25 patients sans ce traitement.
- Les patients sous tocilizumab avaient des critères de gravités initiaux plus importants que le groupe contrôle.
- Pourtant, la mortalité des patients non traités était significativement supérieure (72% versus 25%).
- Les hospitalisations en réanimation étaient plus faibles dans le groupe traité.
- Étude rétrospective avec deux groupes non comparables.
- Faible niveau de preuve.