Covid-19 : à chaque jour ses réponses, par le Pr Adnet (FAQ N°6 à 10 - 20 au 27 mars)
Depuis le 12 mars, le Pr Frédéric Adnet - professeur agrégé de Médecine d'Urgence, chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93 - fait régulièrement le point sur le Covid-19. Épidémiologie, études, clinique... Nous reproduisons ici, avec son aimable autorisation, les actualisations de cette «Foire aux questions».
Depuis le 12 mars, le Pr Frédéric Adnet - professeur agrégé de Médecine d'Urgence, chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93 - fait régulièrement le point sur le Covid-19.
Épidémiologie, études, clinique... Nous reproduisons ici, avec son aimable autorisation, les actualisations de cette «Foire aux questions».
INDEX et liste des FAQ
FAQ N°6 (20 mars)
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Monde : 255.305 cas confirmés (décès 10.444, guérison 87.351) dans 163 pays.
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France : 10.891 cas confirmés, 371 décès, 12 guérisons.
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Italie : 41.035 cas confirmés, 3.405 décès, 4.440 guérisons.
COVID-19 chez les enfants
Une lettre récente du New England Journal of Medicine décrit une série de 171 enfants infectés par le virus et complète la description de la FAQ n°4.
- La moyenne d’âge était de 7 ans extrêmes [1 jour ; 15 ans] ;
- 16% étaient asymptomatiques.
- 65% avec une pneumopathie confirmant le fait que la surinfection bactérienne arrive très tôt (Cf. FAQ n°4).
- 9% avaient une symptomatologie digestive (nausées et vomissements).
- 2% (3/271) ont dû être hospitalisés en réanimation.
- Tous avaient de lourdes comorbidités.
- Il y a eu 1 décès.
COVID-19, femmes enceintes et allaitement
- Série de 9 patientes COVID+, entre 36 et 39 semaines d’aménorrhée, présentées dans le Lancet.
- La symptomatologie n’est pas spécifique.
- Toutes ont pu bénéficier d’une césarienne et aucune contamination materno-foetale n’a été observée.
- D’après les recommandations de l’UNICEF, le Covid-19 n’est pas une contre-indication à l’allaitement. Si le mère est symptomatique ; il faut porter un masque.
- Le lait ne serait pas contaminant par analogie avec les autres virus à tropisme respiratoire.
- Le tirage du lait est encouragé si la maman n’est pas en état d’allaiter.
COVID-19 et odorat
- Plusieurs observations ont alerté le SNORL (Syndicat national des médecins spécialisés en ORL) qui ont mis en évidence une augmentation des consultations en rapport avec une anosmie (perte de l’odorat) chez des patients CODIV-19+. Affaire à suivre…
COVID-19 : forme grave et soignants
- Les soignants feraient moins de formes graves que le commun des mortels : deux études sur des patients admis en réanimation observent que les personnels soignants COVID-19+ sont moins admis que les non-soignants ! (0% vs. 28% dans une série de 102 patients.
Préoxygénation pour l’intubation en urgence
Pour compléter la FAQ numéro 4, la technique de préoxygénation doit éviter au maximum
une ventilation active par le BAVU (risque de nébulisation du virus). Si le patient est très hypoxique, le pratiquer très prudemment avec toujours un filtre entre le BAVU et le masque…
Certificat de décès
- Le Covid-19 n’est pas un obstacle-médicolégal.
- Mise en bière immédiate dans un cercueil simple.
- Obstacle aux soins de conservation.
- Obstacle au don du corps à la science.
- Pas de recherche de la cause du décès.
- Transport avant mise en bière interdit.
FAQ N°7 (23 mars)
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Monde : 341.365 cas confirmés (décès 14.759, guérison 98.866) dans (167 régions ou pays).
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France : 16.246 cas confirmés, 676 décès, 2.201 guérisons.
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Italie : 59.138 cas confirmés, 5.476 décès, 7.024 guérisons.
Un essai thérapeutique intéressant
- Un essai comparatif (sous presse dans Engineering) non randomisé a évalué le favipiravir (molécule contre le virus Ebola) 600 mg x2/jour (N=35) vs. Lopinavir/ritonavir (Kaletra®) 400 mg/100 mg x2/jour (N=45).
- Les auteurs retrouvent une négativation plus rapide et significative de l‘excrétion virale et une amélioration significative des images de pneumopathie dans le groupe favipiravir.
Physiopathologie des formes graves en réanimation
Il semble exister deux formes de COVID-19 en réanimation :
- La première au profil de patient plutôt jeune et sans comorbidité, qui correspond au fameux choc cytokinique, c’est a dire à un emballement de la réaction inflammatoire avec une atteinte polyviscérale (poumon surtout). Ce serait le mécanisme des décompensations retardées (deuxième semaine).
- La deuxième correspond à des patients plus âgés avec comorbidité avec un profil plus septique, virémique et avec une décompensation des maladies sous jacente.
Profil radiologique (suite)
- Dans 66% des scanner positif (Cf. FAQ numéro 3), il y a une atteinte d’au moins deux lobes (opacités périphériques en verre dépolie).
COVID et cancer
- Un cancer actif est clairement identifié comme un facteur de risque pour les formes graves du COVID-19.
Anosmie
- L’association du COVID-19 avec l’anosmie est confirmée. Cette anosmie est sans obstruction des fosses nasales et s’accompagne volontiers d’agueusie (perte du goût).
- Les corticoïdes sont déconseillés (dissémination virale).
- Ces symptômes seraient lentement réversibles.
Oxygénothérapie par sonde nasale
Indication en réanimation par l’oxygénothérapie pour les patients COVID-19
- Ne pas parvenir à maintenir une SpO2≥96% sous 6L/min d’oxygène au masque à haute concentration.
COVID et collapsus
- Utiliser des cristalloïdes (sérum physiologique, Ringer Lactate) plutôt que des macromolécules (hydroxyéthylamidon, gélatines).
- Stratégie de petits volumes préférable.
- Première drogue vaso-active à utiliser : la noradrénaline (Recommandations Surviving Sepsis Campaign CODIV-19, 2020).
COVID et ventilation mécanique
- Stratégie protectrice : volume courant faible 4-8 mL/kg, pression de plateau < 30 cm H2O, PEEP élevée.
- Curares d’indication large en bolus (Tracrium® 0,5 mg/kg IVD).
COVID et HTA
- Malgré les doutes (FAQ N°5), en cas d’infection par le SARS-CoV2 le traitement par inhibiteur de l’enzyme de conversion ou antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II ne doit pas être interrompu chez le patient hypertendu COVID-19+ (European Society of Cardiologist et US Heart Groups).
FAQ N°8 (24 mars)
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Monde : 396.249 cas confirmés (décès 17.252, guérisons 103.334) dans le monde 169 régions ou pays.
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France : 20.149 cas confirmés en France, 862 décès, 2.207 guérisons.
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Italie : 63.927 cas confirmés, 6.077 décès, 7.432 guérisons.
COVID-19 et mortalité italienne
Pourquoi une telle mortalité due au Covid-19 en Italie ?
La mortalité observée par rapport au nombre de cas déclarés en Italie est de 7,2% alors qu’en Chine elle est de 2,3%. Un article de JAMA de cette semaine tente de répondre.
- Remarque : la différence de mortalité est trés importante pour les patients d’âge supérieur à 70 ans (38% en Italie vs.12% en Chine).
- Le nombre de patients âgés est très supérieur en Italie par rapport à la Chine (687 patients de plus de 90 ans avec une mortalité de 23%).
- Autre explication : une définition non consensuelle de la mortalité reliée au COVID-19 entre la Chine et l’Italie.
- Troisième explication : le dénominateur (nombre de patients atteints du COVID-19) ne serait pas le même en Chine et en Italie, en raison de politiques de dépistage différentes.
COVID et coeur
- Certaines formes cliniques du COVID-19 se traduisent par une symptomatologie cardiovasculaire : palpitations et douleurs thoraciques.
- Il y a une élévation de la troponine I chez 10 à 20 % des patients hospitalisés.
- Près de 12 % des patients décédés de cette affection présentaient une atteinte cardiaque significative.
- Un arrêt cardiaque pendant l’hospitalisation peut survenir chez des patients sans antécédent cardiovasculaire.
- Le mécanisme est discuté entre myocardite virale ou SCA.
COVID et contamination oro-fécale
- Il est maintenant établit que l’infection par le SARS-CoV-2 peut se révéler par un tableau digestif (nausées-vomissements).
- Des virus ont été mis en évidence dans les selles lors de ces épisodes.
- Les récepteurs aux virus (ACE2, voir FAQ N°5) se concentrent sur l’arbre respiratoire mais aussi digestif (gastrique, duodénal et rectal).
- La contamination oro-fécale est ainsi théoriquement possible poussant des recommandations de nettoyage bactéricide de la cuvette de WC et de maintenir la lunette abaissée.
PCR et faux négatifs
- La PCR est trés performante (taux de faux négatifs autours de 10%) pour les formes mineures avec atteinte des voies aériennes supérieures et rhinorrhée.
- Pour les formes graves avec dyspnée (pneumopathie), la PCR est performante la première semaine (taux de faux négatifs inférieur à 10%) et devient moins performante la deuxième semaine (négativation des prélèvements nasaux). Le virus se concentre dans les poumons ou alors la pneumopathie virale est en voie de guérison (ou bien surinfectée par une bactérie).
Port du masque chirurgical
Dans le Lancet de cette semaine, on rappelle les recommandations de l’OMS . Doivent porter un masque facial (chirurgical) :
- Les patients qui ont des symptômes respiratoires.
- Les soignants près d’un malade symptomatique lors de soins courants (non invasifs).
- Les patients en quarantaine s’ils doivent quitter le domicile.
- Les patients à risque et personnes âgées si possible.
- L’utilisation des masques faciaux à toute la population pourrait être envisagée si les stocks le permettent.
FAQ N°9 (26 mars)
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Monde : 492.603 cas confirmés (décès 22.184, guérisons 119.918) dans 175 régions ou pays. La
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France : 25.604 cas confirmés, 1.333 décès, 3.907 guérisons.
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Italie : 74.386 cas confirmés, 7.503 décès, 9.362 guérisons.
Épidémie COVID en France
Le réseau Sentinelle des syndromes grippaux observe une re-ascension des syndromes grippaux en France alors que l’épidémie de grippe a régressé : ceci est probablement dû à l’épidémie du COVID-19 !
Essai pilote sur l’hydroxychloroquine
Un essai prospectif randomisé fait à Shanghai a comparé chez 30 patients COVID-19+ avec pneumonie non sévère (15 par groupe) : hydroxychloroquine 400mg/jour pendant 5 jours vs traitement habituel (Journal of Zhejiang University, march 2020).
- Négativation de la PCR chez 86% pts dans le groupe hydroxychloroquine vs. 93% sans hydroxychloroquine.
- Pas de différence sur la progression des images au scanner pulmonaire.
COVID et formes asymptomatiques
- L’étude des contaminations dans le paquebot Diamond Princess (Japon) placé en quarantaine le 5 février 2020 lorsqu’un passager a été retrouvé positif a permis d’estimer le pourcentage de formes asymptomatiques chez des sujets COVID-19+.
- Il a été estimé à 35% (IC95% : 30-39).
COVID et coeur (2)
- Une corrélation très nette entre mortalité du COVID-19 et une atteinte cardiaque (définie par une élévation de la troponine) a été trouvée par l’analyse récente de 416 patients (JAMA 2020).
- La mortalité était de 51% (42/82) dans le groupe troponine élevée vs. 4% (15/334) dans le groupe sans élévation de la troponine (association évoquée dans la FAQ N°8).
COVID et cancer (2)
- Les patients cancéreux hospitalisés ont une prévalence de la maladie augmentée.
- La contamination par les visites de proches est fortement soupçonnée. Pourtant ces patients sont à risque de formes graves (voir FAQ N°7).
COVID et symptômes digestifs
- On sait qu’environ 10% des patients présentent un syndrome digestif lors des premiers signes cliniques (voir FAQ numéro 5). Mais environ un quart des patients atteints de COVID présenteront des troubles digestifs sans influence sur le pronostic.
- Diarrhée : une excrétion de virus a été retrouvée jusqu’à 30 jours après le début de la maladie. Attention à la contamination de l’environnement ! (Lancet Gastroenterol Hepato 2020).
Diagnostic sérologique du COVID
- Les IgM sont détectés vers le 5ème jour de la maladie et les IgG vers le 14ème jour. Utile si PCR négative et forte présomption clinique.
COVID et guérison
- On conseille de reprendre une activité normale 48 heures après la fin des symptômes.
- Une étude a montré que la PCR pouvait être encore positive 8 jours après la fin des symptômes, d’où la nécessité absolue de continuer à porter un masque chirurgical au moins une semaine après l’autorisation de la reprise de l’activité.
COVID et certificat de décès
- Face au tollé de la mise en bière immédiate (les proches ne pouvaient plus voir le visage du défunt), une modification (24 mars 2020) a été apportée en ne rendant plus obligatoire la mise en bière immédiate (voir FAQ N°6).
FAQ N°10 (27 mars)
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Monde : 585.040 cas confirmés (décès 26.819, guérisons 129.812) dans 176 régions ou pays.
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France : 33.402 cas confirmés, 1.997 décès, 5.707 guérisons.
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Italie : 86.498 cas confirmés, 9.134 décès, 10.950 guérisons.
COVID et dépistage de masse
Une expérience intéressante menée dans une petite ville d'Italie (5000 habitants) a été présentée dans une Lettre du 22 Mars 2020 du BMJ).
- Tous les habitants ont été testés.
- Les COVID+ ont été confinés rigoureusement.
- Ils sont passés de 88 COVID-19+ à 7 en 10 jours.
- La lettre insiste sur le danger des contaminations à partir des patients asymptomatiques (75% dans cette lettre).
COVID et mortalité des médecins
Treize médecins sont décédés du COVID-19 en Italie à ce jour (23 Mars 2020, BMJ).
Essai thérapeutique DISCOVERY
Il compare de façon randomisée et ouverte (pas de placebo) cinq types de traitements :
- soins standards,
- soins standards plus remdesivir (molécule contre le virus Ebola),
- soins standards plus lopinavir/ritonavir (Kaletra®, molécules antivirales contre le HIV),
- soins standards plus lopinavir/ritonavir et interféron beta (molécule utilisée contre la sclérose en plaque),
- soins standards plus hydroxychloroquine (Plaquenil®, la molécule du professeur Raoult).
3200 patients sont prévus dans 6 pays européens.
COVID et HTA
- On a vu que le traitement de l’HTA par les IEC ou les ARA2 posait problème car ces traitements sur-expriment le récepteur membranaire ACE2 et peuvent ainsi faciliter l’entrée du virus et donc aggraver le COVID-19 (voir les FAQ numéros 5 et 7).
- Un essai devrait débuter (ACORES-2) qui comparera l’arrêt du traitement IEC ou ARA2 vs. sa poursuite chez des patients hypertendus COVID-19+.
COVID et transmission materno-foetale (2)
- Nous avions annoncé (FAQ N°1 du 12 mars 2020) qu’il n’y avait pas de transmission materno-foetale du SARS-CoV-2.
- C’était probablement une annonce prématurée : deux études publiées dans le JAMA (JAMA pediatrics du 26 mars 2020 ; JAMA du 26 mars 2020) révèlent 4 nouveau-nés de mère COVID-19+ et probablement infectés par ce même virus. Ils vont bien.
COVID et ventilation mécanique (2)
- Les deux-tiers des patients admis en réanimation et ventilés mécaniquement ont été intubés dans les 24 heures après leur admission hospitalière.
- Ceci confirme la rapidité de l’aggravation de la fonction respiratoire (BMJ, 24 Mars 2020).
COVID et échographie thoracique
Les caractéristiques à l’échographie thoracique des patients suspects ont été publiées :
- Épaississement de la ligne pleurale avec des irrégularités
- Présence de lignes B en nombre variables
- Condensations alvéolaires
- Lignes A à la phase de guérison
- Les épanchements pleuraux importants sont rares
(Int Care Med, 12 Mars 2020).